La corde à cartes (excellent texte de France Paradis)

Note de Marika: S'applique tout au long de l'année, pas seulement à Noël!)

Lisez ce bon texte de France Paradis. 

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J'ai toujours suivi France Paradis. Elle a un sens familial (et communautaire) développé et trop rare, aujourd'hui!  Une femme qui assume ses choix, même s'ils sont parfois à contre-courant de ce qu'on voit. Une femme instruite, à l'esprit vif et pratique que j'ai toujours admirée. Voici France Paradis:

La corde à cartes

«Quand mes enfants étaient petits, au début de décembre j’installais une longue ficelle qui traversait le salon. Je peignais de rouge et de blanc des épingles à linge en bois et j’accrochais les cartes de Noël que nous recevions dès la première semaine du mois.

Il y a un bon moment que je n’installe plus de corde-à-cartes…  qui a envie d’accrocher la carte de vœux de son dentiste ou de son conseiller financier? Au lieu de ces matins de joie à décacheter des enveloppes venues de partout, je découvre des cartes animées sur mon écran d’ordinateur. Un collègue de travail déguisé en renne au nez rouge; un père Noël qui chante une chanson grivoise, un décor de neige qui surgit au son d’une chanson traditionnelle. Et je découvre que ces vœux électroniques sont envoyés en nombre, entre 6 et 210 destinataires en même temps. Comment y trouver un seul mot qui me soit destiné personnellement?

Où sont donc passées les cartes choisies avec soin et les soirées à écrire à la main quelques lignes à ceux qu’on aime. À ceux qui habitent trop loin, pour leur dire qu’ils nous manquent. À celle qui nous a consolée au printemps dernier, pour lui exprimer encore notre reconnaissance. À cette autre qui a perdu son père et pour qui ce sera le premier Noël sans le patriarche. À ce frère avec qui nous avons eu un froid l’an dernier, pour lui tricoter des mots qui raniment le lien.

Les cartes de Noël… c’est soulever le couvercle de la boîte aux lettres et découvrir une enveloppe sur laquelle mon nom est écrit à la main. La décacheter et recevoir par les yeux et dans mes mains  la tendresse de quelqu’un qui a pris la peine de tracer des mots pour moi sur un papier cartonné. Les cartes de Noël… c’est un nœud de plus, fait à la main, dans le pont de corde qui relie les humains aux terres de nos appartenances.

Quand je réalise une fabuleuse animation électronique que j’envoie au plus grand nombre, ne suis-je pas encore une fois en train de me mettre en scène, me placer au centre de l’événement? Notre culture valorise ce métavoyeurisme : regarder les autres me regarder et y trouver une satisfaction et une reconnaissance.

Quand j’écris avec un crayon, sur du papier, les mots de l’affection  destinés à une seule, je suis dans l’intimité partagée. Dans la relation avec une autre personne. C’est un échange, pas une exposition. Les vœux électroniques en nombre ne me réchauffent pas le cœur. Ils m’amusent, me font sourire, mais ils ne nourrissent pas mon lien parce qu’ils me poussent hors de la relation personnelle avec une autre personne pour me fondre dans le flou de la foule. Ce n’est pas grave. Mais ce n’est pas ce que j’espère des vœux de Noël.

Si on n’a pas le temps d’écrire à ceux qu’on aime, à quoi donc sert tout le reste?»















































Et si vous décidiez d'envoyer au moins une carte à quelqu'un que vous aimez, cette semaine?


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